samedi 19 novembre 2016

Nouvelle orthographe : encore quelques points (7/8)


Ces enfants, je les ai laissés ou laissé jouer ? Que dit la logique ? Que dit la nouvelle orthographe ?
La nouvelle orthographe (NO pour simplifier) : une série de billets de Bernard Morin, correcteur professionnel, qui s'exprime sur notre blog. Aujourd'hui, il nous parle encore de quelques aberrations modifications à prévoir.


*** 

E – LAISSÉ + INFINITIF : INVARIABLE
Remarquons d’abord qu’il ne s’agit plus ici d’orthographe, mais de grammaire. Allons-nous maintenant entrer dans la « nouvelle grammaire » ? Poursuivons.
Dans la nouvelle orthographe, le participe passé du verbe laisser est toujours invariable lorsqu’il est suivi d’un infinitif : Elle s’est laissé mourir et non plus : Elle s’est laissée mourir. On nous dit qu’il s’agit de suivre le modèle de faire + infinitif, où le PP est toujours invariable : Elle s’est fait maigrir.
Est-elle donc si compliquée, la règle (de grammaire) qui dit que le participe passé de laisser s’accorde si le complément d’objet direct placé avant lui fait l’action exprimée par l’infinitif : 
Cette maison, il l’a laissée tomber en ruine
mais 
Cette maison, il l’a laissé acheter

C’est pourtant l’application stricte de la règle de l’accord du participe passé conjugué avec avoir. Raisonnons en appliquant la règle actuelle à deux exemples.
Ces enfants, je les ai laissés jouer. J’ai laissé ces enfants faire l’action de jouer. Les, mis pour enfants, est COD du verbe laisser et placé avant le participe passé. Le PP s’accorde avec les. On écrit donc laissés.
Ces enfants, je les ai laissé punir. Je n’ai pas laissé les enfants faire l’action de punir. Les, mis pour enfants, n’est pas COD du participe passé de laisser. Donc pas d’accord du PP : laissé reste invariable. (Pour être complet, remarquons que le COD de laisser n’est pas exprimé : j’ai laissé quelqu’un faire l’action de punir les enfants ; et qu’enfants est le COD de punir.)
Le parallèle avec fait + infinitif est à mon avis mal venu. Parce que, dans la phrase : Ces enfants, je les ai fait jouer, le pronom personnel les, mis pour enfants, n’est pas COD du participe passé du verbe faire. Je n’ai pas fait les enfants faire l’action de jouer. Voilà pourquoi fait est alors invariable. Rien à voir avec je les ai laissés jouer. 

En revanche, il est d’autres apparentements que les auteurs des rectifications de 1990 auraient été avisés de faire. Car comment ont-ils pu ignorer que le « grave » problème qu’ils avaient résolu pour le participe passé du verbe laisser se posait aussi, et dans les mêmes termes exactement, pour les participes passés de voir et entendre suivis de l’infinitif ? Pourquoi ont-ils laissé subsister ces « graves » difficultés : 
les enfants que j’ai vus jouer, mais : les enfants que j’ai vu mettre en rangs ; les enfants que j’ai entendus crier, mais : les enfants que j’ai entendu réprimander ; 
les acteurs que j’ai vus jouer, mais : les pièces que j’ai vu jouer ; 
la cantatrice que j’ai entendue chanter, mais : la chanson que j’ai entendu chanter ; 
je les ai vus partir, mais ils se sont vu infliger une amende ? 
Ces gens-là, qui prétendent réformer, ne sont tout simplement pas sérieux.

F – ANOMALIES
On trouve dans cette rubrique les modifications ponctuelles dont les médias ont fait leurs choux gras : 
  • bonhommie pour faire comme bonhomme, 
  • charriot comme charrette, 
  • chaussetrappe comme trappe, 
  • combattivité comme combattre, 
  • persiffler comme siffler ; 
  • et aussi les participes passés absout et dissout, 
  • l’infinitif assoir, 
  • exéma comme examen, 
  • relai comme balai, 
  • nénufar et ognon. 
Oui, si on veut. Moi, je garderai mes jolies chausse-trape et je n’ai pas envie de pleurer la disparition de mes oignons (que dans le Midi on prononce parfois ouagnons…).

G – RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES
Sous ce titre, les « rectifications » de 1990 s’adressent aux auteurs de dictionnaires pour leur recommander de privilégier la graphie la plus simple quand il en existe plusieurs (par exemple d’écrire allo au lieu d’allô) et de franciser si possible les mots d’origine étrangère (musli au lieu de müesli). Curieusement, le texte dit : « On acceptera des graphies comme […] paélia (paella) […] qui évitent une lecture défectueuse. » Mais c’est justement la graphie « rectifiée » qui entraîne une lecture défectueuse, puisque paella devrait se lire paeya, le ll espagnol se prononçant comme celui de billard en français, et non comme le lli de million.

***

De plus en plus simple  ! On retrouvera Bernard à l'occasion d'un prochain billet dans lequel il conclura sur cette "belle" réforme.

A bientôt pour de nouvelles aventures
Jacques-Line Vandroux   

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